Après avoir vécu deux fausses couches consécutives en 2018, Marielle Giguère a entamé une réflexion et un processus d’écriture qui ont culminé avec Ci-gît Margot, un roman dans lequel les expériences de l’autrice se mêlent à la fiction. Étonnée et ébranlée par l’absence presque totale de ce sujet dans la fiction québécoise, elle a pris le pari d’affronter les tabous, de nommer l’innommable et de plonger, mot après mot, page après page, au cœur de la vie, avec ses parts d’ombre et de lumière. Si le sujet est dur, l’écriture de Marielle Giguère est claire et limpide. Sans détour et avec une plume alerte et assumée, elle raconte l’espoir qui accompagne chaque grossesse, se situe dans une généalogie de femmes dont les corps ont été en quelque sorte confisqués par un appareil médical envahissant et infantilisant. L’autrice avait déjà, dans son roman précédent Deux semaines encore, démontré sa capacité à effleurer avec délicatesse des enjeux de société pourtant intimidants. Ici, à partir de ses expériences, elle nous entraîne dans une histoire bouleversante, en libérant une parole trop peu entendue, celle des femmes en colère, celle des mères qui font face aux violences médicales, celle des familles qui doivent subir et accompagner ces traumatismes. On salue le courage et la générosité de l’autrice, qui a su écrire avec un habile équilibre de pudeur et de franchise ce qui ne se raconte pas. La littérature, ici, est réellement cet espace qui crée des ponts, qui par les mots, libère.