Printemps 1843. John James Audubon, le célèbre naturaliste, remonte le Missouri à bord du vapeur Omega. À l’approche de la vieillesse, il veut recueillir le plus grand nombre de spécimens possible pour terminer son livre sur les quadrupèdes vivipares de l’Amérique du Nord. Il a engagé pour guide Étienne Provost, né à Chambly, le plus fameux des coureurs de bois et l’irremplaçable interprète, car tout ce pan de continent, qui va de la Nouvelle-Espagne aux Grands Lacs, est encore le royaume des Indiens et des trappeurs canadiens et métis. Et, surtout, Provost est un coup de fusil infaillible. N’est-il pas le seul à pouvoir procurer à Audubon les animaux qu’il veut dessiner, morts, il va sans dire ? Pendant que nous suivons Audubon et ses comparses qui, depuis le pont supérieur de l’Omega, tirent au nom de la science sur tout ce qui bouge, sur terre, dans l’air et dans l’eau, le romancier se lance lui aussi dans sa propre aventure. Il se rend à Fort Union, au Dakota du Nord, le point culminant du périple de son modèle. Bien sûr, l’avion a remplacé le navire à vapeur, et c’est le pétrole qui, un siècle et demi plus tard, sert de prétexte au saccage de la nature et des territoires indiens. C’est là qu’il prendra la mesure du pouvoir destructeur du temps, qui a fait de nous, humains, une espèce tout aussi menacée que celles qu’Audubon a voulu immortaliser dans ses livres.